++ ASTI-HEBDO No 22. François Jeanne
Association Française des
Sciences et Technologies de l'Information

Hebdo
No 22. 19 février 2001

Sommaire : Trois questions à François Jeanne | L'actualité de la semaine | La recherche en pratique| Enseignement | Théories et concepts | Le livre de la semaine | Détente

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Trois questions à François Jeanne

Rédacteur en chef du Monde Informatique

Asti-Hebdo : Vous venez d'ouvrir une rubrique "recherche". Quel est son objectif, par rapport à votre lectorat, c'est à dire le professionnel de l'informatique ?

François Jeanne : Nous parlons à des professionnels, qui achètent des produits pour une mise en oeuvre immédiate. Nous hésitons toujours à leur parler de technologies qui ne sont pas disponibles, qui ne le seront peut-être jamais. Mais il est de notre devoir (et de notre plaisir) de les avertir, de leur montrer que les grands fondeurs de circuits, par exemple, continuent de progresser en suivant la loi de Moore.

Nos lecteurs ne sont guère enclins à la rêverie. Dans l'entreprise de l'après An 2000, non seulement on n'a pas droit au rêve, mais encore il faut faire oublier les déceptions créées par des espoirs trop grands mis dans les machines, dans les logiciels. J'ai bien connu, personnellement, la grande époque de l'IA. Il y a eu échec, c'est surtout échec de communication de la part des chercheurs. Quinze ans après la crise de la fin des années 80, on leur lance encore : "Rappelez vous comment vous nous avez fait marcher avec l'intelligence artificielle" !

Notre contenu "recherche" doit s'inspirer de ce qu'un lecteur nous a confié, un jour : "Vous consacrez 80% de votre surface à ce qui sortira demain, 20% à ce que nous mettons en oeuvre actuellement, et le reste à ce qui existe dans les entreprises et que nous devons faire fonctionner (Cobol, pour être clairs). Pour nous, les proportions sont exactement inverses : 80% de notre temps est pris par l'existant, 20% à mettre en oeuvre de nouveaux projets, et le reste (sic) consacré à l'avenir. "

Hebdo : Si vos lecteurs ont si peu de temps à accorder à la recherche, pourquoi lui dédier une rubrique ?

F.J. : Parce que le même lecteur ajoutait : Vous devriez quand même avoir une rubrique qui s'appellerait "le droit de rêver". C'était une façon de nous dire : j'ai besoin de savoir ce qui se prépare, même si ce n'est pas mon travail de tous les jours;

C'est dans cet esprit que nous avons donc créé la rubrique "Champs libres" il y a deux ans, avec l'objectif d'explorer tous les domaines de la culture et de la consommation, mais toujours sous réserve de les aborder d'un point de vue original : celui du professionnel de l'informatique. Il s'agit d'une somme de journaux "à la manière de" adaptés aux informaticiens.

Pour ce qui concerne la science, le modèle pourrait être Science et Avenir, par exemple. Mais notre approche est bien particulière. D'une part nos lecteurs ont un bon niveau de culture scientifique, ce qui nous permet de ne pas ré-expliquer à chaque fois ce qu'est un électron. D'autre part nous nous intéressons soit à des thèmes proches de l'informatique, soit à la manière dont l'informatique contribue aux autres sciences. Dans notre premier dossier de ce type, nous avons demandé aux astrophysiciens de nous expliquer en quoi c'est l'ordinateur qui leur avait permis de prouver que l'univers est plat. Ils étaient d'ailleurs assez surpris de cette façon de parler de leurs travaux.

Hebdo : Mais parlerez-vous de la recherche en informatique ?

F.J. : Comme toujours, les cordonniers sont les plus mal chaussés... nous avons donc commencé par d'autres disciplines scientifiques. De plus, il est difficile aujourd'hui de définir ce qu'est la recherche en informatique. L'intelligence artificielle, hier thème de recherche, semble aujourd'hui plutôt enfouie dans les produits et les applications.

Pour que la recherche en informatique trouve sa place dans Le Monde Informatique, il faut qu'elle soit à sa place, bien mise en perspective, avec une présentation réaliste de ses débouchés. Chaque fois qu'un journaliste écrit, à tort, que tel axe de recherche va déboucher sur telle ou telle innovation, il se fait peut être plaisir à court terme, mais il fait mal à toute la profession pour le long terme.


L'actualité de la semaine

Le génome séquencé : quelques sites intéressants

Pour en savoir plus, visitez les sites suivants (signalés par Internet Actu) :
Genhomme (ministère de la Recherche),
National Center for Biotechnology Information (NCBI)
Nature,
Science Magazine.

La loi sur Internet sera sans doute "très répressive"

En attendant des résultats officiels sur le sort de la loi sur Internet, Transfert s'est procuré une version "non définitive". Ce média pense que la loi sera très répressive en matière de lutte contre le cybercrime.

"La Sema" reprise par Schlumberger

Un des plus grands noms français de la matière grise (Sema Group, qui est toujours resté "la Sema", pour les anciens) entre dans un des plus grands noms français des matériels informatiques, et bancaires en particulier. Zéro-Un Informatique précise : "...une OPA amicale évaluée à 5,3 milliards d'euros. Le rachat donnera lieu au transfert de 10 000 ingénieurs vers Sema Group et à des synergies autour des systèmes de paiement bancaire".

La Lettre des SSII ( groupe GRD) rappelle que les difficultés de Sema Group découlent, pour une large part, de sont rachat à un prix jugé trop élevé de LHS, dans l'intention de disposer d'une puissante division télécommunications. Notre confrère ajoute "La pilule doit être d'autant plus amère à avaler pour les dirigeants de Sema que la division télécoms était considérée comme l'un des fleurons de son activité, en très forte croissance et différenciatrice".


La recherche en pratique

Le bilan social (1999) du CNRS est en ligne

Le bilan social pour l'année 2000 est en cours d'élaboration. Mais, pour la première fois, la Direction des ressources humaines propose en ligne l'édition 1999. Au sommaire :
- emploi scientifique et carrières,
- formation permanente,
- politique sociale,
- médecine de prévention,
- statuts et évolutions réglementaires.

On peut le télécharger (format PDF) soit dans une version synthétique, soit dans sa version intégrale.

Protégez le système d'information de votre laboratoire

Le numéro 33 (février 2001) de la lettre d'information "Sécurité informatique" du Fonctionnaire de défense du CNRS est parue. Au sommaire de ce numéro :
- la nécessité pour les institutions de se doter d'une "approche systémique de la sécurité" ;
- les enjeux de la sécurité des systèmes d'information pour le CNRS ;
- l'état de la sécurité des systèmes d'information au CNRS.

La législation sur les brevets progresse

Internet Actu Flash (du 14 février) indique :

Le Parlement européen a approuvé en deuxième lecture une directive sur les droits d'auteur numériques. Comme prévu, elle garantit aux auteurs la propriété de leurs oeuvres. En revanche, elle prévoit une exception notable qui peut être mise en oeuvre de façon facultative par chaque Etat : le droit de reproduction "à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable". Ce point était au centre de tous les conflits. Les auteurs voulaient un texte plus limitatif sur le droit de copie au grand dame des consommateurs.

On lira aussi la présentation de O1 Net.

Conservation des informations numériques

La MTIC a mis en ligne son guide sur la "Conservation des informations numériques". Il concerne la conservation des informations et des documents numériques pour les téléprocédures, les Intranets et les sites Internet: format, support, métadonnées, organisation, XML et normalisation. Le site offre aussi un compte-rendu de la rencontre récemment organisée sur ce thème.

Enseignement

Le portail mondial de Vivendi Universal

Le groupe Vivendi Universal a lancé le 12 février, simultanément en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Etats-Unis, une portail mondial de l'éducation. Multilingue, il vise aussi bien les parents et les enfants que les enseignants. On y retrouvera l'ensemble des sites des journaux spécialisés et des filiales d'édition du groupe.

(NDLR : nous n'avons pas réussi à trouver le site ou à nous y connecter)


Théories et concepts

La recherche opérationnelle toujours vivante

La revue TSI (Hermès Science) regroupe dans son numéro de décembre 2000 (volume 19, no 10), quatre articles consacrés à la Recherche opérationnelle. L'éditorial de Jean-François Maurras en retrace l'histoire en France, depuis les premières applications à l'EDF (arbitrage entre différents moyens de production électrique) jusqu'à la création de l'association Roadef.

On reconnaîtra dans ce numéro les thèmes classiques de la spécialité : ordonnancement, optimisation, analyse de données. Et le recours à une technique avancée (bien que presque aussi vieille que la RO), la programmation par algorithmes génétiques, avec une application à la découpe en deux dimensions.


Le livre de la semaine

L'informatique a péché

La parution du livre "IBM et l'holocauste" d'Edwin Black (en traduction française chez Robert Laffont) en rajoute encore quant à la culpabilité de l'informatique, ou de son ancêtre la mécanographie, dans les horreurs de la seconde guerre mondiale. On savait depuis toujours qu'IBM n'avait pas cessé ses opérations dans les pays occupés. On savait que Bull n'avait pas fait beaucoup mieux en France (rapport Azéma de juillet 1998, disponible à l'Insee). On sait aussi, bien sûr, que l'ordinateur prit sa part dans la préparation de la bombe atomique. Edwin Black assombrit le tableau en montrant Thomas J. Watson reprochant au Fürher de ne pas en faire assez...

Parmi les commentaires publiés, notons ceux du Monde et de Transfert net

L'ebook progresse

Dans quelques années, "le livre de la semaine" deviendra sans doute "l'ebook de la semaine", s'il faut en croire l'article de Transfert net

Détente

Humour physicien

NDLR : Origine anonyme. Nous serions heureux de connaître la source

"J'ai reçu un coup de fil d'un collègue à propos d'un étudiant. Il estimait qu'il devait lui donner un zéro à une question de physique, alors que l'étudiant réclamait un 20. Le professeur et l'étudiant se mirent d'accord pour choisir un arbitre impartial et je fus choisi.

Je lus la question de l'examen : "Montrez comment il est possible de déterminer la hauteur d'un building à l'aide d'un baromètre."

L'étudiant avait répondu: "On prend le baromètre en haut du building, on lui attache une corde, on le fait glisser jusqu'au sol, ensuite on le remonte et on calcule la longueur de la corde. La longueur de la corde donne la hauteur du building." L'étudiant avait raison vu qu'il avait répondu juste et complètement à la question. D'un autre côté, je ne pouvais pas lui mettre ses points : dans ce cas, il aurait reçu son grade de physique alors qu'il ne m'avait pas montré de connaissances en physique. J'ai proposé de donner une autre chance à l'étudiant en lui donnant six minutes pour répondre à la question avec l'avertissement que pour la réponse il devait utiliser ses connaissances en physique. Après cinq minutes, il n'avait encore rien écrit. Je lui ai demandé s'il voulait abandonner mais il répondit qu'il avait beaucoup de réponses pour ce problème et qu'il cherchait la meilleure d'entre elles.

Je me suis excusé de l'avoir interrompu et lui ai demandé de continuer. Dans la minute qui suivit, il se hâta pour me répondre: "On place le baromètre à la hauteur du toit. On le laisse tomber en calculant son temps de chute avec un chronomètre. Ensuite en utilisant la formule : x=gt2/2, on trouve la hauteur du building."

A ce moment, j'ai demandé à mon collègue s'il voulait abandonner. Il me répondit par l'affirmative et donna presque 20 à l'étudiant. En quittant son bureau, j'ai rappelé l'étudiant car il avait dit qu'il avait plusieurs solutions à ce problème.

"Hé bien, dit-il, il y a plusieurs façon de calculer la hauteur d'un building avec un baromètre. Par exemple, on le place dehors lorsqu'il y a du soleil. On calcule la hauteur du baromètre, la longueur de son ombre et la longueur de l'ombre du building. Ensuite, avec un simple calcul de proportion, on trouve la hauteur du building."

Bien, lui répondis-je, et les autres. "Il y a une méthode assez basique que vous allez apprécier. On monte les étages avec un baromètre et en même temps on marque la longueur du baromètre sur le mur. En comptant le nombre de trait, on a la hauteur du building en longueur de baromètre. C'est une méthode très directe.

Bien sûr, si vous voulez une méthode plus sophistiquée, vous pouvez pendre le baromètre à une corde, le faire balancer comme un pendule et déterminer la valeur de g au niveau de la rue et au niveau de toit. A partir de la différence de g la hauteur de building peut être calculée. De la même façon, on l'attache à une grande corde et en étant sur le toit, on le laisse descendre jusqu'à peu près le niveau de la rue. On le fait balancer comme un pendule et on calcule la hauteur du building à partir de la période de précession."

Finalement, il conclut: "Il y a encore d'autres façons de résoudre ce problème. Probablement la meilleure est d'aller au sous-sol, frapper à la porte du concierge et lui dire: "J'ai pour vous un superbe baromètre si vous me dites quelle est la hauteur du building."

J'ai ensuite demandé à l'étudiant s'il connaissait la réponse que j'attendais. Il a admis que oui mais qu'il en avait marre du collège et des professeurs qui essayaient de lui apprendre comment il devait penser."

PS : Pour l'anecdote, l'étudiant était Niels Bohr et l'arbitre Rutherford. Rutherford - Prix Nobel Chimie vers 1910 Bohr - Prix Nobel Physique en 1922.


L'équipe ASTI-HEBDO : Directeur de la publication : Malik Ghallab. Rédacteur en chef : Pierre Berger. Secrétaire général de la rédaction : François Louis Nicolet, Chef de rubrique : Mireille Boris. ASTI-HEBDO est diffusé par FTPresse.